176-L’homme qui n’a pas d’étoile «Man Without a Star » de King Vidor 1955 USA
Ce film aux dires de son interprète principal Kirk Douglas reste son western préféré, il contient tellement de lui qu’il ne peut être autrement . Cette vedette encore de ce monde (93 ans ) refusa d’être enfermé , de subir des contraintes tout comme son héros qui refuse l’enfermement , les barrières voir les fils de fer , d’être isoler tout en revendiquant sa solitude , sa liberté enfin sa différence.
Dempsey Rae (Kirk Douglas ) et Jeff Jimson (William Campbell) se sont rencontrés dans un train où ils voyageaient clandestinement. Le premier innocentera le second accusé injustement de meurtre d’un représentant de la loi. Dès lors Dempsey l’homme mur à l’humeur égale va s’occuper du jeune et malléable Jeff . Tous deux débarquent dans une petite ville où ils sont embauchés par Strap Davis (Jay C. Flippen) le contremaître du ranch Le Triangle, appartenant à la manipulatrice Reed Bowman (Jeanne Crain) . effectivement celle-ci tente d’amadouer de charmer le sieur Dempsey pour s’attribuer ses services , mais l’homme n’est point dupe et au sortir des gaudrioles se sépare ce cette mante religieuse.Le propriétaire voisin et concurrent de Reed décide à un moment donné de clôturer ses terres de fil barbelé, pour les protéger du bétail en divagation. Les heurts entre les 2 nantis va avoir lieu et voir sortir de ses gonds le doux et serein Dempsey Rae qui affrontera son jeune poulain devenu bras droit de son ex maitresse. Sa colère est justifiée par la haine des barbelés, cette séparation primitive qui a terni son existence et imposé la peur .
Dans cette œuvre loin d’être mineure digne des meilleures séries B fussent t- elles d’un autre genre est une splendeur et si elle fut écrite à la va vite et tourné aussi rapidement (moins d’un mois) et le résultat splendide n’en est pas moins méritoire d’autant plus que celle-ci mélangeant instants graves et moments drolatiques est parsemé de tolérance de philosophe avec le personnage de Kirk Douglas qui donne sa pleine mesure en défendant ce rôle de cowboy joyeux , épicurien avec des accents de vérité dramatique qui explicitent son absence presque permanente de gravité et son jeu permanent de pitre
Kirk Douglas porte le film certes sur ses épaules d’acteur, de producteur et quelque peu de réalisateur (1) il était à sa troisième incursion dans le western après avoir été dirigé par Raoul Walsh et Howard Hawks et montrait déjà un choix intelligent dans sa filmographie en pleine épanouissement (2) . Borden Chase habitué au genre et scénariste de plusieurs chefs d’œuvres (3) nous offre un scénario pointu, pointant du doigt une société obliger d’utiliser des méthodes extrémistes pour préserver ses biens monde en l’occurrence des barbelés de triste souvenir dans cette première moitié du XX ième siècle , un monde financier mettant en déroute la fraternité des hommes par ses enjeux pécuniaires . Son scénario inspirera en 1969 un remake en deçà de ce joyau (4)
King Vidor même indifférent à son film (5) réussit à ne pas gâcher une réalisation classique sans esbroufe mais néanmoins maitrisée tant l’homme avait un savoir faire mais il ne voulait ici pas le faire savoir. Ajoutons à la réussite de ce western- que Peckinpah n’aurait pas désavoué ne fusse que par sa vision de l’Ouest abrupte et brusque et par la peinture de ce héros déchiré qui ne se reconnait point en lui – l’interprétation de Jeanne Crain que Douglas retrouve après Chaînes conjugales le film de Joseph L. Mankiewicz, envoutante , ensorceleuse et redoutable et aussi d’autres figures du western Claire Trevor endossant à nouveau un personnage de femme copine et conciliante , Richard Boone et Jack Elam deux forts en gueule parmi les méchants de moult westerns.
50 ans après l’œuvre n’a rien perdu de son acuité , ni de force dans son traitement , elle reste l’une des œuvres maitresses de cette décennie décidemment fertile et riche.
(1) Kirk Douglas déclarera à propos du tournage : "Je n'ose pas dire que j'ai mis le film en scène, car on m'accuse souvent d'être un acteur qui veut mettre en scène... J'aime bien King Vidor qui a fait de très beaux films, mais là, il était en dehors du coup..."
(2) Oscillant entre le cinéma populaire ( Ulysses -20 000 lieux sous les mers ) et intellectuel (le gouffre aux chimères – Les ensorcelés )
(3) La rivière rouge de Hawks Winchester 73 et Je suis un aventurier de Anthony Mann Vera Cruz de Robert Aldrich
(4) un remake signé James Goldstone, Un colt nommé Gannon.
(5) King Vidor a dû abandonner le plateau de L'homme qui n'a pas d'étoile pour partir en Europe tourner Guerre et Paix. La scène de l'emballement du bétail a été tournée par une seconde équipe.